Faire un mariage sans contrat, est-ce possible ?
Le contrat de mariage fait partie des composants du mariage mais peut-on le faire sans l’officialiser aux yeux de l’état ? Le document officiel précise les modalités de gestion des biens du couple. Il édicte également les règles de la vie commune. Son établissement passe toutefois par une série de procédures complexes et chronophages. L’intervention d’un notaire est d’autant plus indispensable. Ses services engendrent des frais conséquents. Ces différentes formalités découragent certains couples. Ils préfèrent esquiver cette partie administrative et atterrir directement à la case mariage. Pourtant, faire un mariage sans signer un contrat revient à foncer tête baissée dans une bataille qui s’annonce difficile. Alors, comment se passe la vie d’un couple après un mariage sans contrat ? Ce choix comporte-t-il des risques ? Que faire en cas de changement inopiné dans la routine du couple ?
C’est quoi un mariage sans contrat ?
Le contrat de mariage est une entente entre les partenaires au moment de l’officialisation de leur union, mais sa signature est-elle si importante pour le gouvernement canadien ?
Retour sur le contrat de mariage
Le contrat de mariage est un acte juridique. Signé par les futurs époux, le document énonce les sorts réservés à tous les biens des mariés. Autrement dit, le contrat de mariage fixe les dispositions du régime matrimonial à appliquer à compter de l’union. Il anticipe aussi les évènements susceptibles de bouleverser la vie commune du couple (décès, faillite, divorce…).
Son authentification demande la présence d’un notaire. Sa signature se déroule lors de la célébration de l’union des mariés. Les conventions matrimoniales peuvent toutefois être rédigées avant la célébration, mais ne deviennent effectives que le jour du mariage.
Quel est l’intérêt du contrat de mariage ?
Le contrat de mariage offre une occasion de choisir au préalable votre régime matrimonial. Sa signature facilite le contrôle des biens et les modalités de succession. En cas de séparation, il délimite également les procédures de répartition des biens.
Le document protège les enfants nés de l’union, sachant que le régime matrimonial impacte directement sur leur héritage.
Il préserve aussi l’appropriation de certains biens des époux. La catégorisation de tous les biens du ménage varie en fonction du régime matrimonial.
En tant qu’acte solennel, la conclusion d’un contrat de mariage se déroule devant un notaire. Sa présence facilite les démarches administratives. Il fournit également aux partenaires les détails relatifs à chaque régime matrimonial. Il vous oriente ainsi vers le modèle en adéquation avec vos attentes et vos besoins.
Alors, qu’est-ce qu’un mariage sans contrat ?
Le contrat de mariage occupe une place essentielle à la vie commune d’un couple marié. Pourtant, certains partenaires se passent de ce document facultatif.
Un mariage sans contrat s’apparente à une union informelle. L’absence d’un contrat de mariage enclenche de facto le régime matrimonial de droit commun, c’est-à-dire, un mariage sous le régime de la communauté réduit aux acquêts. Cette disposition s’applique en vertu des articles 1400 à 1280 du Code civil.
Le régime matrimonial de la communauté réduite aux acquêts présente un mécanisme bien spécifique. Une acquisition commune des biens au cours du mariage traduit son fonctionnement. Il sous-entend également une séparation des biens en biens propres et en biens communs tout au long de la vie commune du couple.
Qu’est-ce que le régime de société d’acquêts ?
L’absence d’un contrat de mariage dans une union civile ou un mariage place le couple automatiquement au régime de société d’acquêts, régime légal par défaut au Québec depuis juillet 1970.
Un régime comprenant deux catégories de biens
Le régime de société d’acquêts comprend deux typologies de biens : les biens acquêts et les biens propres. Les biens propres sont les biens appartenant à un individu et acquis avant l’union. Parmi les biens propres se trouvent :
- les legs ;
- les dons ;
- les biens acquis durant l’union en guise de remplacement à certains biens propres ;
- les indemnités rattachées aux biens de remplacement ;
- les avantages reçus d’un contrat, d’une assurance ou d’un régime de retraite ;
- les papiers personnels ;
- les alliances ;
- les vêtements ;
- la pension alimentaire ;
- la pension d’invalidité ;
- les instruments de travail utilisés dans l’exercice d’une profession.
Les dons et les successions appartiennent aussi aux biens propres.
Les biens de la communauté incluent les biens acquis au cours de l’union du couple. Il s’agit du salaire, des revenus de placement et de leurs fruits. Toutefois, l’achat d’un bien à partir des fonds propres (des fonds d’une union précédente, d’un héritage ou des donations) désigne l’acquéreur en tant qu’unique propriétaire. Par conséquent, le bien devient un bien propre.
Une répartition spécifique des biens en cas de séparation
En cas de séparation du couple, chaque ex-partenaire repart avec ses biens propres. Cependant, les biens acquêts seront sujets à un partage. Le réglage du patrimoine familial précède la répartition des biens. L’opération assurera la répartition à parts égales de la valeur de ces biens.
Les futurs ex-époux effectuent ensuite le bilan des biens acquêts. Un résultat passif du bilan interrompt les procédures de partage. De même, le refus du conjoint de partager les biens compromet les démarches. Pourtant, même en cas de refus de partage de votre part de vos biens acquêts à votre ex-conjoint, celui-ci est en droit de réclamer sa part de vos biens d’acquêts.
Un régime matrimonial aux nombreux avantages
Le régime légal par défaut au Canada vous épargne les contraintes liées à l’établissement d’un contrat de mariage. Il évite les frais de notaires souvent exorbitants et les processus interminables.
Le mécanisme profite aussi aux époux qui ne disposent que d’un faible patrimoine et d’un faible revenu. Ils peuvent se passer d’un contrat de mariage. Dans le cadre d’un divorce, la distinction des biens propres et des biens communs demeure facile.
De plus, la gestion des biens reçus dans le cadre d’une succession ou d’une donation sans contrat de mariage sort du champ d’intervention de la société d’acquêts. Il en est de même pour les biens personnels acquis avant le mariage sans contrat.
Un système comprenant des failles
Le régime de société d’acquêts dissimule quelques vices. L’acquisition d’un bien immobilier d’envergure ne peut se faire sans l’accord des deux époux. L’opposition du conjoint suffit à perturber le projet immobilier de l’autre époux. Évidemment, la situation risque de détériorer leur relation et de compromettre la pérennité du couple.
De plus, le régime de société d’acquêts engage les époux à la solidarité des dettes. En d’autres mots, chaque époux devient responsable des dettes de l’autre. Cette disposition constitue un inconvénient majeur pour le conjoint marié à une personne atteinte de la « fièvre emprunteuse ». Il s’agit d’un syndrome de contractions de dettes compulsives. Progressivement, la pulsion ébranle à la situation financière du couple.
Quels sont les risques d’un mariage sans contrat ?
Un mariage sans contrat provoque des conséquences pécuniaires indéniables. Les couples doivent en être informés avant de prendre leur décision.
Qui hérite sans contrat de mariage ?
Le mariage sans contrat complique l’héritage et la succession. À la suite d’un décès, la moitié des biens communs est versée au conjoint survivant. Évidemment, celui-ci conservera ses biens propres.
Les privilégiés préalablement désignés dans le testament et les enfants héritent des biens propres du disparu. Le reste de l’héritage et les biens communs sont divisés par la moitié.
À défaut de contrat de mariage, le conjoint survivant peut rehausser sa part d’héritage, en vertu de la donation au dernier vivant, également connu sous le nom de donation entre époux. Il s’agit d’une mesure en faveur du survivant qui touche les biens du donateur lors de son décès. De son vivant, ce dernier peut, à tout moment, révoquer la donation au dernier vivant, même à l’insu de son partenaire.
Quelles sont les modalités du divorce dans un mariage sans contrat ?
Un mariage sans contrat qui se solde par un divorce profite aux couples disposant d’un faible patrimoine. La répartition des biens communs s’opère en toute simplicité en deux parts égales. En cas de divorce, le partage des biens sans contrat de mariage à parts égales s’applique à la masse commune, c’est-à-dire, à l’actif et au passif accumulé durant le mariage. Les biens propres restent la propriété personnelle des époux.
Toutefois, le choix peut jouer en leur défaveur si un époux exerce une profession libérale susceptible de provoquer des risques financiers. Dans l’hypothèse d’une faillite ou une déstabilisation budgétaire du ménage, les créanciers sont en droit de saisir les biens propres et les biens communs.
Dans ce contexte, les dettes cumulées compliquent l’établissement des apports réels de chacun dans la compensation des dettes. L’affaire peut alors virer au cauchemar et en venir aux litiges.
Qu’en est-il des dettes ?
Les dettes dans un mariage sans contrat sont à contracter à petite dose, car elles octroient un droit au créancier. Celui-ci peut saisir en toute circonstance les biens propres et des biens communs du débiteur.
Heureusement, il ne détient aucun pouvoir sur les biens propres de l’autre époux. De même, les dettes contractées pour subvenir aux frais sur l’éducation des enfants et à l’entretien du ménage (incluant les factures d’eau et d’électricité, les frais de nourriture, les frais vestimentaires et les frais scolaires) sont exclues du droit du créancier.
De plus, l’emprunt engage les époux uniquement après leur consentement. Sans son accord, le conjoint du débiteur n’est aucunement tenu de céder ses biens propres en guise de remboursement ou de gage. Dans ce cas, le débiteur reste l’unique personne engagée au remboursement. Seuls ses biens et ses revenus seront saisis en cas de défaut.
Comment protéger ses biens sans contrat de mariage ?
Certaines mesures s’imposent afin de remédier aux conséquences d’un divorce sans un contrat de mariage et aux saisis en cas de défaut de paiement des dettes.
Changer de régime matrimonial
Les époux sont libres de changer et de modifier leur régime matrimonial à condition :
- de recourir à un notaire ;
- d’établir un nouveau régime servant l’intérêt familial ;
- de tenir les personnes concernées au courant (le conjoint, les enfants majeurs, les représentants des enfants mineurs encore sous tutelle ainsi que les créanciers).
Le changement du régime de communauté réduite aux acquêts nécessite une homologation (une approbation d’un acte ou d’une convention par le juge). Elle est attribuée par le tribunal judiciaire du lieu de résidence de la famille. Son intervention est nécessaire seulement si les personnes concernées manifestent une opposition.
La présence d’un avocat est aussi indispensable. Sa mission est de présenter une requête (un document écrit et formalisé assurant la saisie du tribunal) à envoyer au tribunal aux noms des deux conjoints. Le document s’accompagne d’un acte notarié et achève les procédures de modification du régime actuel (la société d’acquêts).
Établir une déclaration d’insaisissabilité
Dans le cadre d’un mariage sans contrat, l’époux entrepreneur ou exerçant un métier à risque peut mettre le budget du couple en danger. S’il s’endette, les créanciers peuvent saisir indifféremment les catégories de bien des deux époux. Pour protéger le patrimoine familial, l’autre conjoint entame une déclaration d’insaisissabilité devant un notaire. Le dispositif légal a pour objectif de protéger les biens immobiliers non professionnels, les biens bâtis et les biens non bâtis. À noter que la résidence principale est un bien insaisissable de plein droit.
Le conjoint sépare ensuite le patrimoine personnel du patrimoine professionnel en incitant son partenaire entrepreneur à créer une Entreprise Individuelle à Responsabilité Limitée. Puis, il fait une déclaration des biens affectés à l’activité professionnelle afin de distinguer le patrimoine professionnel du reste du patrimoine familial.